Avancer dans l’espace en éjectant des ions, c’est le principe du moteur à propulsion électrique (ou ionique), un système prometteur pour l’exploration spatiale.
Sur Terre, un tel moteur n’arriverait même pas à faire avancer ton vélo : sa force de propulsion est équivalente à souffler sur ta main tendue. Mais dans l’espace, c’est une autre histoire : comme il n’y a pas d’atmosphère, rien ne freine la trajectoire d’un satellite ou d’une sonde : la vitesse acquise, aussi petite soit-elle, se conserve.
Si les réacteurs classiques permettent d’avancer en rejetant des gaz d’échappement, le principe de ce moteur consiste plutôt à éjecter des ions, c’est-à-dire des atomes dotés d’une charge électrique. À l’intérieur de l’engin, on ionise d’abord les atomes d’un élément, souvent le xénon, qui est un gaz neutre, grâce à une source d’électricité. Les ions produits peuvent ensuite être accélérés à très haute vitesse puis propulsés vers l’arrière, ce qui permet de créer une poussée vers l’avant.
Un tel moteur est efficace sur le long terme : il n’accélère pas vite, mais il fonctionne longtemps et sans s’arrêter. La vitesse acquise finit donc par être importante. Par exemple, 4 ans après avoir quitté la Terre, la sonde Dawn de la NASA avait atteint une vitesse de 41 760 km/h. À leur plein potentiel, les ingénieurs pensent même que de tels moteurs pourraient propulser un engin à 10% de la vitesse de la lumière !
Autre avantage de taille, la propulsion ionique est très économique. Alors que Dawn n’embarquait que 425 kg de xénon à son départ de la Terre, une fusée « classique » dont le moteur fonctionne par combustion, aurait eu besoin de brûler 10 tonnes de carburant pour fournir une performance équivalente.
Si le concept ne date pas d’hier – les premiers prototypes datent des années 60, les chercheurs tentent aujourd’hui de remplacer le xénon, un gaz très rare et dispendieux (plus de 3 000$/kg !), par des composés plus abondants et plus pratiques d’utilisation.
Par exemple, pour une première fois, un moteur fonctionnant à l’iode a récemment été testé avec succès dans l’espace. Normalement, ce composé est corrosif pour le métal. Les chercheurs ont contourné ce désagrément en utilisant des pièces en céramique pour protéger leur moteur. Astucieux !
Même si cette technologie s’applique surtout aux sondes et aux satellites pour le moment, la recherche s’active pour en équiper des vaisseaux habités. La nouvelle station spatiale chinoise, mise en orbite le 17 juin 2021, possède quatre moteurs à propulsion ionique qui l’aident à ajuster sa trajectoire autour de la Terre.
Publié sur le site internet du magasine Québec Science le 3 décembre 2021, ici